<190>

216. A LA MÊME.

Le 17 juin 1749.



Ma très-chère sœur,

J'ai été bien heureux aujourd'hui, ayant reçu deux de vos lettres à la fois. Vous m'y comblez de témoignages d'amitié. Je vous assure, ma chère sœur, que j'y suis aussi sensible que l'on peut être, et que tout est bien réciproque de mon côté. C'est par cette raison que, préférant vos intérêts à mes agréments, j'ai lu un chapitre d'Épictète pour me consoler de votre absence. Vous voulez cependant que tout me parle de vous, comme si je pouvais vous oublier, et vous ornez Sans-Souci d'une façon que j'ai été surpris lorsque j'ai \u jusqu'où vous étendez vos attentions. Souffrez, ma chère sœur, que je vous en fasse mille remercîments.

Je voudrais pouvoir vous donner de bons conseils pour ce qui regarde votre fille; mais j'avoue que c'est un cas bien embarrassant. Mais pour ne pas tromper la confiance que vous avez en moi, je vous dirai ce que je ferais, si j'étais dans votre place. Tant qu'on n'a pas des preuves certaines que le Duc veut faire changer notre nièce de religion, ce serait se précipiter que de sonner l'alarme mal à propos. Quand on aura quelque certitude sur ce sujet, alors il faudra que je parle, et que le ministère de là-bas parle de même. Voyez-vous, ce changement de religion ne serait rien, si le Würtemberg était catholique; mais le pays étant protestant, notre nièce en sera l'idole tant qu'elle sera de la religion du peuple, ce qui, avec le temps, pourrait lui procurer de grands avantages. Mais si elle change, elle perdra cette confiance, et ce sera une tache dont elle aura peine à se laver vis-à-vis des luthériens les plus zélés de toute l'Allemagne. Le Duc, avec le temps, peut mal vivre avec elle; alors il lui reste la ressource de l'affection publique; mais si elle change, une pareille conjoncture la rendrait la plus misérable personne du monde. Voilà, ma chère sœur, tout ce que ma politique stérile peut vous dire. Je souhaiterais que vous n'eussiez que des sujets d'agrément; mais le monde ne va pas ainsi, il n'y a que du haut