<155>en différant les noces de ma nièce; il n'y a que du bien à ce délai, et cela donnera le temps à son très-cher époux de tirer sa poudre aux moineaux et de perdre son premier feu.a Je connais ce Tornaco dont vous me parlez pour le premier fou de l'Europe; c'est le plus grand bavard de toute l'armée autrichienne. Puisse le ciel vous en délivrer! J'ai ici Algarotti, qui enfin fixe son état, et s'engage à mon service. L'acquisition est bonne, et me procure toutes sortes d'agréments pour mon particulier. J'ai honte de vous ennuyer plus longtemps. Je vous prie, ma chère sœur, de me continuer votre précieuse amitié, et d'être persuadée de la tendresse avec laquelle je suis, ma très-chère sœur, etc.

184. A LA MÊME.

Potsdam, 2 mars 1747.



Ma très-chère sœur,

J'ai reçu le tableau que vous avez eu la bonté de m'envoyer. J'ai été bien fâché de voir que le voyage en avait terni une partie des beautés; cependant il en reste assez pour voir qu'il est de la main d'un grand peintre. C'en est trop pour vous, ma chère sœur; vous ne devriez pas réunir tant de talents différents sur la même tête. Je crains que cette peinture ne fasse du tort à votre santé; une attitude courbée ne convient guère aux obstructions. Croyez-moi, la santé est tout ce que nous avons de plus précieux dans ce monde. Il y a l'infini entre un homme malade et un autre qui se porte bien; j'en fais la malheureuse expérience. On pense faiblement, on travaille mal, et on agit inférieurement à tout cela, quand un petit viscère se détraque, ou quand une petite soupape refuse de faire son devoir. Nous sommes bien peu de chose, nous ne tenons à la vie que par un cheveu, et, à nous entendre, on dirait que la nature nous a pourvus de corps d'airain. Nous tirons tout le parti de notre machine que nous pouvons, et


a Voyez t. IX, p. 7.