<225>coup de bien, pour quiconque a passé sa vie sans opulence, changent la façon de penser des hommes, et j'en ai vu trop d'exemples pour n'en être point convaincu.

Je ne sais, mais je ferais presque un pari que les Français feront leur paix à la fin de juin ou au commencement de juillet, et que vers l'automne, nous et toutes les parties belligérantes, chacun s'en ira chez soi planter ses choux et cultiver son jardin.a Ne pensez pas cependant, mon cher frère, que j'aie exalté mon âme; j'ai fait ce que j'ai pu pour y réussir, mais je n'ai pas été assez heureux d'atteindre à ce comble d'enthousiasme.

Zastrow a de nouveaux prophètes; l'un pronostique la paix, l'autre une bataille avec les Russes, un troisième une bataille avec les Autrichiens. Vous n'avez que le choix des choses possibles avec eux, car il faut bien que de tant de choses si différentes il y en ait une qui arrive. J'ai demandé à Zastrow si ses diseurs de bonne aventure ne lui avaient point pronostiqué quelle serait l'issue de son mariage? Il a été, pour le coup, assez sage pour ne les point interroger sur des matières si délicates. Il a une maison à Schweidnitz, grande comme votre chambre de Schlettau, où il veut établir tout son ménage; un vieux corps de garde délabré lui sert de cuisine, et il prétend que les soubrettes de madame campent à côté de la maison. Je lui ai fait quelques remontrances sur ce beau projet, qui entraînerait la plus grande dépravation de mœurs après soi, exposant la vertu de ses chambrières au rapt, au viol et à toutes les entreprises d'une luxure effrénée contre la pudeur. Je ne sais à quel point mes remontrances l'affecteront; mais, quoi qu'il arrive, j'en ai la conscience nette, et ce sera à lui à penser au reste.

Il y a à Sehweidnitz le fils d'un major autrichien, Italien de naissance, qui, à l'âge de onze ans, passe pour un prodige. Il a une grande barbe; on dit que Priape n'est rien en comparaison de lui, et qu'il a toute la force et la vigueur d'un homme fait. Cette réputation étonnante a attiré à Schweidnitz le pèlerinage de toutes les femmes des environs, qui sont venues pour voir ce prodige, et qui peut-être auraient volontiers passé à l'expérience,


a Voyez t. XXIII, p. 109, et t. XX, p. 187 et 318.