<224>ne me prolonge la vie que pour me réserver aux plus dures épreuves; mais il faut que chacun subisse son sort. Vous ne me dites rien de votre santé; il est pourtant à présumer qu'elle est remise. Je vous prie de m'en donner des nouvelles. Hülsen a chassé les cercles de Zwickau; j'attends son retour à Freyberg pour repasser la Triebsche. Meissen, Nossen et Freyberg feront les têtes de nos quartiers. Ces contrées où nous sommes ressemblent au désert de la Thébaïde; nous ne voyons que désolations. Daun fait passer beaucoup de troupes en Bohême; si cela continue, je me flatte que nous aurons quelque repos.

94. AU MÊME.

(Nieder-Kunzendorf) 24 mai 1761.



Mon cher frère,

Je ne puis rien vous apprendre de nos hautes prouesses, car nous n'en avons point fait; nous sommes à nous examiner de loin, et à peine y a-t-il tous les huit jours un cheval de hussard de blessé. J'ai eu beaucoup à trotter pour mettre mes différents campements en règle; à présent tout est bien établi, et nous n'avons pas grand' chose à faire. Schwerina est fort en colère contre la reine de Hongrie et contre Daun; il dit qu'ils se sont moqués de lui avec leur cartel. Il s'en est aperçu un peu tard, le pauvre garçon; il dit qu'il trouve le monde plus méchant qu'il ne l'avait cru. Il me semble qu'on n'a pas besoin d'avoir quarante-cinq ans pour s'en apercevoir, et que cette réflexion doit se présenter à tous ceux qui entrent dans le monde un an après qu'ils sortent du collége. Schwerin doit se consoler par le proverbe qui dit que les fruits tardifs sont les meilleurs. Je crois que quand Seydlitz pourra gagner le dessus sur son hypocondrie, il se portera aussi bien qu'autrefois; mais une femme et beau-


a Voyez t. XIV, p. X, XI, 138 et 139; t. XV, p. XXIII, 217 et 218.