<583>Je crois inutile de remettre cette lettre à V. M., pour lui éviter l'ennui de détails dont V. M. sait déjà les principaux, et d'autres uniquement relatifs au trajet.

La parfaite vénération que j'ai toujours eue pour V. M., et, s'il m'est permis de lui parler ainsi, ma profonde estime, me portèrent du premier moment à l'en instruire; autorisée en ce principe par un avertissement de bonne part, je me trouve trop heureuse d'avoir pour confident un prince vraiment grand, qui aux titres d'ami et d'allié d'une souveraine à laquelle j'ai des obligations infinies réunit celui de mon protecteur et de ma famille dans une aussi importante affaire. Dans ce sentiment, Sire, je me fais une loi d'obéir aux conseils dont il plaira à V. M. de m'honorer.

Je conçois entièrement, Sire, la conséquence du secret que V. M. me recommande; ce m'a cependant été un devoir si essentiel, par mille et mille raisons qui se comprennent plus facilement qu'elles ne se dépeignent, d'en mettre M. le Prince, de la discrétion duquel une mûre expérience répondait d'ailleurs, que je ne crois pas en être blâmable.

Le Prince ayant consenti, cette traite en effet épouvantable pour une troupe de femmes, préférablement par la saison où nous sommes, ne m'effraye pas; mon parti est pris, et, fermement convaincue que ceci est un coup de la Providence, je le suis pareillement qu'elle m'aidera à surmonter de périlleuses difficultés auxquelles bien des gens ne tiendraient pas.

La feinte du voyage à Stettin, que V. M. a bien voulu me proposer, nous a paru un masque d'autant plus sûr, que M. le Prince, qui, si V. M. le permet, m'accompagnera jusque-là, avait résolu avant cela d'y faire un tour, passant par Berlin, où nous ne nous arrêterons qu'autant de temps qu'il m'en faut pour rendre mes devoirs aux reines et à la maison royale, parce que, si j'y manquais, cela pourrait donner matière à ruminer aux curieux, et que la coutume que nous avons eue depuis quelques années de nous rendre au carnaval rendra le public moins attentif à cette démarche.

Je ne saurais, Sire, encore déterminer positivement le jour de notre départ d'ici, par deux raisons : l'une, que s'il était entrepris subitement après l'arrivée de cette estafette, qui, dans une