<493>tout par ses yeux, qui hait le calomniateur, et auquel personne ne peut se flatter d'avoir imposé de sa vie.

Je reçois la pièce supposée de M. de Brandt pour ce que vous me la donnez, s'entend, pour un badinage assez plat, et où les belles pensées sont du dernier trivial. Je rends grâces au ciel de ce que mon frère est hors de danger, et de ce qu'il a eu la petite vérole. C'est un article dangereux, qu'il est toujours bon d'avoir passé. Je sais ce que c'est, car je l'ai eue deux fois; après cela il n'est plus permis d'être malin, quand on a fait cette double dépense de malignité. Ce n'est pas à moi à juger si je le suis. J'en laisse le soin à d'autres, car vous savez, monsieur, que le monde n'est jamais sans juges; un chacun croit en particulier avoir le droit de disséquer la conduite de son prochain, et de cette façon la moitié du monde est le juge de l'autre. Je souhaiterais que vous fussiez le mien, et que vous fussiez bien en état de vous convaincre de l'évidence de l'estime que j'ai pour vous, étant avec une véritable considération, etc.

35. AU MÊME.

Rheinsberg, 8 octobre 1736.



MON TRÈS-CHER GÉNÉRAL,

Je vous demande pardon si, dans cette lettre, je ne m'en tiens qu'à vous remercier amplement de la dernière que vous m'avez écrite; mais une fluxion que j'ai dans le dos, une enflure au cou et une migraine m'en empêchent. Il ne faut qu'une bagatelle pour nous détruire. Telle est la misérable condition des hommes, nonobstant laquelle ils prennent les noms d'invincibles, d'arbitres des différends, et d'immortels, noms qui ne désignent que la grandeur de leur extravagance, et qui font connaître à quiconque a du sens le peu de connaissance que ces fous ont d'eux-mêmes, de s'attribuer des titres qu'ils n'entendent pas seulement. Nous ne pouvons nous glorifier que de notre misère, car toute notre