<454>l'Angleterre sous le jeune roi Richard. Les mesures étaient parfaitement bien prises; Clisson, l'auteur et l'âme du dessein, se disposait à passer la mer à la tête d'une armée pour aller descendre en Angleterre. Tout était prêt pour l'embarquement, quand l'entreprise échoua par un trait de perfidie du duc de Bretagne.

Ce duc haïssait Clisson par deux raisons. Il le soupçonnait de viser à le chasser du duché de Bretagne, et d'être aimé de la Duchesse sa femme, motifs également puissants pour inspirer de la haine contre un rival.

Informés de ces dispositions et du dessein, quoique fort secrètement ménagé, de la cour de France, les Anglais s'adressèrent au Duc pour le faire manquer. Ils lui insinuèrent qu'il ne pourrait se venger plus sensiblement du connétable, ni obliger plus essentiellement la couronne d'Angleterre, qu'en rompant un projet dont son ennemi avait lui seul le secret et la direction. Le Duc, naturellement chaud et inconsidéré, n'y manqua pas, et voici comment il s'y prit.

Il convoqua à Vannes une assemblée des seigneurs du pays. Il y invita surtout le connétable, qui, étant né vassal du Duc, ne voulut pas s'excuser de s'y trouver. Après l'assemblée finie, le Duc donna un grand repas aux seigneurs, et le lendemain Clisson se hâta de leur en donner un autre, résolu de partir bientôt après pour aller s'embarquer. Le Duc, sans y avoir été invité, y vint familièrement à la fin du dîner, se mit à table avec eux, et les charma tous par ses manières polies et cordiales. La table étant levée, il invita le connétable et quelques autres seigneurs à venir voir le château de l'Hermine, qu'il avait fait bâtir à Vannes. Ils y allèrent. Il leur en montra tous les appartements, et ils arrivèrent enfin à la grosse tour, lui, le connétable, et un nommé Laval. Etant à la porte d'une des plus hautes chambres, il s'arrêta sous quelque prétexte sur l'escalier avec Laval, et dit au connétable qu'il entrât toujours, et qu'ils l'allaient joindre dans un moment. Clisson ne fut pas plus tôt entré, que des gens qui l'attendaient fermèrent la porte, se saisirent de lui, et lui mirent des fers aux pieds et aux mains.

La nouvelle de cette trahison s'étant bientôt répandue, les seigneurs en furent fort indignés. Quelques-uns proposèrent d'aller sur-le-champ investir le château; mais n'ayant pas assez de monde, ils se contentèrent d'en informer incessamment le roi Charles VI. Ce prince en fut piqué au vif. Les troupes destinées à l'exécution du projet de Clisson étant prêtes et à portée, il ne tenait qu'au Roi d'accabler le Duc, et de le dépouiller de tous ses Etats, lui qui n'avait pas pris de mesures pour soutenir sa perfidie. Il y a apparence que ce monarque n'y aurait pas manqué, si la Providence n'y avait pas trouvé un autre remède. Elle se servit pour cet effet de la prudence et pro-