179. DE L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.

Dresde, 4 avril 1774.



Sire,

Votre bonté pour moi ne se dément jamais; je la mérite peu, mais j'en connais le prix plus que personne. Qui sait mieux que V. M. redoubler le bienfait par la manière de l'accorder? J'ai dit à ma sœur Cunégonde ce que vous vouliez bien faire pour elle. Elle en est vivement touchée, et me prie de faire agréer à V. M. les humbles assurances d'une reconnaissance sans bornes. Parmi tous vos protégés, vous n'en aurez point qui désire plus qu'elle de se rendre digne de votre protection, tout comme, dans la foule innombrable de vos admirateurs et de vos admiratrices, vous n'en avez point qui vous rende mieux que moi les hommages les plus purs.

Que je hais, Sire, cette vilaine goutte dont, à ce que j'apprends, vous avez encore souffert! Je ne lui pardonne qu'à une seule condition, qu'au moins il soit vrai qu'elle prolonge les jours de ceux qu'elle attaque. En faisant durer les vôtres jusqu'au terme le plus reculé, elle deviendra la bienfaitrice de l'humanité.

Je pars en deux jours pour Munich; mon frère désire de m'y voir, et ma fille de Deux-Ponts devant aussi y arriver, je suis charmée de la faire paraître sous mes auspices. C'est ainsi que je tâche de multiplier au moins ma présence dans ma famille, <267>puisqu'il n'appartient qu'à un seul héros de répandre au loin son influence aux quatre coins de la terre. Puisse-t-il, ce héros, être toujours aussi heureux qu'il est grand! Je vais, en bonne bergère d'Arcadie, faire retentir de ses louanges le pied des montagnes du Tyrol; mais ces louanges ne retentiront jamais dans l'univers comme elles sont dans mon cœur, et je le disputerai toujours au monde entier pour la haute estime et pour l'admiration infinie avec laquelle j'ai l'honneur d'être, etc.