<98>preint. Ah! madame, que V. A. R. continue de cultiver les arts; c'est le seul bien réel dont on puisse jouir dans le monde. Il faut dire, du reste, comme Salomon : Tout est vanité. Je souhaiterais de pouvoir, ainsi que V. A. R., avoir la même bonne opinion des grandes puissances; non que je leur insulte, et ne croie pas qu'il y ait de loin en loin de bonnes âmes revêtues de la souveraineté; mais, madame, le témoignage de l'histoire, ce que déposent les annales de tous les temps, montrent des princes dirigés par leurs intérêts et non par la vertu, et malheureusement l'expérience confirme cette humiliante vérité. Ainsi daignez souffrir que je me fie de leurs dispositions pacifiques plus à l'épuisement de leur bourse qu'à leur humanité. Cela même, madame, nous promet une paix assez longue pour en jouir tranquillement, sans nous inquiéter des motifs qui nous la procurent. Daignez, madame, dans vos moments de loisir, vous souvenir quelquefois de celui qui, admirateur de vos grands talents, sera à jamais, etc.

52. DE L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.

Dresde, 18 novembre 1765.



Sire,

A quelque cause que Votre Majesté attribue la durée de la paix, je suis réjouie de voir qu'elle nous la promet encore pour plusieurs années. L'Europe en a grand besoin; l'épuisement est général, et ne se borne pas aux coffres des puissances. Je ne connais point où passent les sommes immenses que les souverains dépensent aujourd'hui dans leurs guerres. On voit bien quelques entrepreneurs élever une fortune rapide, mais tout le reste paraît s'appauvrir. Il semble que l'or se dissipe dans les airs, comme la poudre par les coups de canon. Il faut maintenant que l'industrie et le commerce réparent les brèches. Par malheur arrive-t-il que l'on y mette des entraves entre les États de V. M.