<91>vue, car je ne l'ai pas mieux entendue que vous, Sire, quoiqu'elle ait chanté en chambre devant moi. Je suis bien contente de voir que V. M. fasse cas de l'action dans un chanteur, et j'avoue que j'ai été souvent choquée de voir une machine vivante exécuter un air passionné comme aurait fait l'automate de Vaucanson.a Je ne le serais pas moins de voir danser une femme ivre, et l'honneur de mon sexe m'ôterait l'envie de rire avec les spectateurs. Nos buveurs d'eau de Carlsbad m'ont parlé de la voyageuse anglaise, et l'on disait qu'elle passerait ici; mais elle aura craint peut-être de n'y plus trouver de vin de Hongrie.

Le prince Henri nous a fait l'amitié de s'arrêter ici quelques jours, et nous avons tâché de le traiter comme le digne frère d'un grand roi. Je voudrais, Sire, marquer à tout ce qui vous appartient la sincérité de mes sentiments, et la haute considération avec laquelle je suis, etc.

Comme elle a honoré ma bonne vieille grande maîtresseb de ses bontés, je prends la liberté de lui notifier sa mort. La bonne vieille ne mangera plus de jambons de neige, qu'elle aimait tant.

47. A L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.

Bains de Landeck, 18 août 1765.



Madame ma sœur,

Je reçois avec une grande satisfaction la lettre que Votre Altesse Royale a la bonté de m'écrire. Elle a la bonté de suppléer à tout ce qui a manqué aux fêtes de Charlottenbourg. Les suffrages du public ont, madame, applaudi à votre disciple, sans que per-


a Voyez t. XVI, p. 434, et t. XXII, p. 14.

b Marie-Anne comtesse de Lodron, née comtesse de Khünbourg, veuve du général bavarois Charles-François de Lodron. Elle était née en 1689, et morte le 17 juillet 1765.