<588>que les harangues factieuses de quelques-uns de leurs soi-disant amis, qui voudraient, je crois, les voir expulsés de l'Europe, pourvu que les troubles continuassent d'agiter le Nord. Il y a toute apparence que la Sorbonne verra d'un œil tranquille cette guerre et la paix, si elle se fait, et qu'il ne sera pas plus question de rebâtir le temple de Jérusalem que de reconstruire la tour de Babel. Pendant toutes ces agitations diverses, on va entièrement abolir l'ordre des jésuites, et le pape, après avoir biaisé longtemps, cède enfin, à ce qu'il dit, aux importunités des fils aînés de son Église. J'ai reçu un ambassadeur du général des ignatiens, qui me presse pour me déclarer ouvertement le protecteur de cet ordre. Je lui ai répondu que lorsque Louis XV avait jugé à propos de supprimer le régiment de Fitzjames, je n'avais pas cru devoir intercéder pour ce corps, et que le pape était bien maître chez lui de faire telle réforme qu'il jugeait à propos, sans que des hérétiques s'en mêlassent.

Vous vous plaignez toujours du peu de cas que vos Français font présentement de la littérature. Bien des raisons y contribuent. La nation, avide de gloire, protégea les premiers grands hommes qui, après la renaissance des lettres, illustrèrent leur patrie par leurs écrits, et dont quelques-uns ne le cédèrent pas en mérite aux plus célèbres auteurs anciens; ensuite on se rassasia de ces chefs-d'œuvre; les auteurs qui suivirent ces grands hommes ne les égalèrent pas; les études furent moins profondes, et tout le monde se mêla d'écrire et d'imprimer. La plupart de ces auteurs, décriés par leurs mœurs, ne sauraient mériter l'estime du public, et l'on passe du mépris de la personne au mépris de l'art. Ajoutez à ces considérations que Paris est un gouffre de débauche, dans lequel se précipite votre jeunesse ardente; beaucoup y périssent, ou perdent le goût de l'application; et comme les hommes n'aiment que les choses dans lesquelles ils espèrent de réussir, cette jeunesse frivole, ne connaissant que les plaisirs grossiers des sens, n'aime point les arts, qu'elle ne connaît pas assez pour en juger, et il lui est plus facile de mépriser ce qu'elle n'a point étudié que de convenir de son ignorance; car quel temps reste-t-il à un homme du grand monde, à Paris, je ne dis pas pour étudier, mais pour penser?