<550>même assez pauvrement, et qu'on assure avoir été la veuve du czarowitz Alexis,a que son père le czar Pierre Ier fit mourir. Si la chose était vraie, cette femme serait la belle-sœur du feu empereur Charles VI, dont la femme était Wolfenbüttel, comme celle du czarowitz. Cette dernière, à ce qu'on répandit dans le temps, était morte d'un coup de pied dans le ventre que son mari lui avait donné dans une grossesse; mais on prétend qu'on avait enterré une bûche à sa place, qu'elle s'était enfuie de Russie, qu'elle a été à la Louisiane, et de là à l'Ile de France, où elle avait épousé un officier nommé Maldack,b dont elle portait le nom à sa mort. Plusieurs circonstances réunies, et dont la réunion forme d'assez fortes preuves, paraissent prouver que cette femme était réellement la veuve du prince Alexis; il paraît certain qu'elle recevait une pension de la cour de Brunswic, et peut-être V. M. pourrait-elle en savoir davantage par cette voie.

Je suis avec le plus profond respect, etc.

107. A D'ALEMBERT.

30 novembre 1771.

Je crois que les dieux se sont réservé pour eux le bonheur, et qu'ils en ont laissé aux hommes l'apparence; nous le cherchons toujours, et ne le trouvons jamais. Mais si nous sommes privés de tout ce qui est parfait, nous avons en revanche deux consolateurs qui dissipent nombre de nos maux. L'un, c'est l'espérance, et l'autre, un fonds de gaîté naturelle, que vos Français surtout possèdent au suprême degré. Une chanson, un mot bien frappé, dissipent leurs ennuis; si l'année est stérile, la Providence a son


a Charlotte-Christine-Sophie, fille de Louis-Rodolphe, duc de Brunswic-Blankenbourg, et femme du czarowitz Alexis, était morte le 1er novembre 1715.

b Ou plutôt d'Auban. Voyez la Correspondance littéraire, philosophique et critique, adressée à un souverain d'Allemagne, par le baron de Grimm et par Diderot, seconde édition, Paris, 1812, t. II, p. 1-9, et p. 77-79.