<510>plus étonné, que vous avez mérité des éloges de votre patrie, et non les brocards et les mensonges qu'on divulgue sur votre sujet. Vous êtes bien constant de préférer cette patrie ingrate aux avances d'une impératrice et des étrangers qui rendent justice à votre mérite et à vos talents. Je ne doute pas que ceux qui vous persécutent aussi injustement ne vous poussent à suivre la destinée des Bayle et des Des Cartes, et des plus grands génies que la France a portés, dont il semble qu'elle n'a pu endurer la supériorité. Mais, quelle que soit votre situation, soyez très-persuadé que je m'y intéresserai; j'ai trop d'estime pour votre personne, pour que votre destin ou votre sort puisse m'être indifférent. Sur ce, etc.

90. DE D'ALEMBERT.

Paris, 26 novembre 1770.a



Sire,

J'ai trouvé, en arrivant à Paris il y a trois jours, trois lettres dont V. M. m'a honoré pendant mon voyage, et qui n'ont pu m'être envoyées, parce que, ayant fait environ cinq cents lieues en deux mois, tant pour l'aller que pour le retour, et par conséquent étant peu resté dans les mêmes lieux, il était difficile qu'on pût savoir où me les adresser. Je supplie donc d'abord très-humblement V. M. de m'excuser si je n'ai pas eu l'honneur de lui répondre plus tôt; elle voit au moins que c'est le premier devoir dont je m'acquitte après quelques moments de repos indispensablement nécessaires. Je la supplie en second lieu de me permettre de différer quelques jours encore la réponse que je dois à sa lettre très-philosophique et très-profondément raisonnée, en date du 18 octobre. Une pareille lettre, Sire, demande un peu de temps et de réflexion pour être méditée et discutée.


a Le 30 novembre 1770. (Variante de l'édition Bastien, t. XVII, p. 204.)