<466>à ma pauvre tête, ce qui lui arrive souvent, de se trouver assez mal sur mes épaules, je pense au pauvre grand vizir à qui on vient d'abattre la sienne, et je trouve que le lot de la mienne est encore meilleur, tout mauvais qu'il est en lui-même, surtout quand je le compare, Sire, au lot de la vôtre, qui suffit seule à tant d'objets, et qui trouve encore du temps pour cultiver avec le plus grand succès la philosophie et la poésie. Vous les avez réconciliées ensemble; puissiez-vous réconcilier de même saint Nicolas et la jument Borak, qui, dans la dernière affaire surtout, me paraît n'avoir été qu'une bête! Je suis, etc.

65. DU MÊME.

Paris, 18 décembre 1769.



Sire,

Il n'y a que peu de temps que j'ai eu l'honneur d'écrire à Votre Majesté, et certainement je fais scrupule de l'importuner trop souvent par mes lettres, persuadé, comme de raison, qu'elle a beaucoup mieux à faire que de me lire. Mais je ne puis pourtant me dispenser de lui faire mes très-humbles remercîments sur le Prologue qu'elle a eu la bonté de m'envoyer. La princesse qui en est l'objet m'y paraît louée avec autant de galanterie que de finesse; je sais d'ailleurs qu'elle mérite ces éloges, par ce que V. M. m'a fait l'honneur de me dire plusieurs fois de son grand talent pour la musique; si on changeait la princesse en prince, je sais bien, Sire, à qui ces éloges pourraient encore mieux s'appliquer, en y joignant, à la vérité, des éloges encore plus mérités, s'il est possible, sur des objets plus grands et plus essentiels au bonheur des hommes. La fin de ce Prologue, Sire, est une plaisanterie neuve et de très-bon goût; Avancez mes bâtardsa m'a fait beaucoup rire. Hélas! Melpomène et Thalie n'ont presque plus que des bâtards; car nos comédiens même de Paris ne sont pas des enfants trop légitimes.


a Voyez t. XIII, p. 27.