<25>dans des bornes étroites, je ne trouve de consolation pour supporter le fardeau de la vie qu'avec les Muses; et je vous assure que si j'avais été maître de mon destin, ni l'orgueil du trône, ni le fier commandement des armées, ni le frivole goût des dissipations, ne l'auraient emporté sur elles. Je sacrifie aux lettres le peu de moments de loisir dont je puis disposer, et je regrette d'autant plus Voltaire, que le trône du Parnasse, qu'il a occupé, demeurera longtemps vacant, et que, pour moi, je ne le verrai jamais remplacé.

La carrière des armes me fournit dans cette Bohême d'autres difficultés. On a déserté toute cette province que nous occupons. Rien de plus rare que de voir un Bohémien. Vous ne trouvez ni chevaux ni bestiaux dans les villages, et le César Joseph est enfermé dans des ouvrages de fortifications plus difficiles à forcer que Lille en Flandre. Tout cela nous obligera de nous retourner de bien des façons pour que le sacré estomac de Sa Majesté Impériale rende cette Bavière qu'elle a avalée trop vite, et qui lui cause une indigestion.

Cura ut valeas.

24. AU MÊME.

(Silberberg, février 1779.)

J'ai reçu les livres que vous m'avez envoyés, dont j'avais grand besoin, parce que j'avais épuisé ce qui restait dans ma petite provision, et que je lis presque toute la journée. Nos démonstrations, qui ne sont ni algébriques, ni géométriques, ont produit que l'ennemi vient d'abandonner Braunau, et le comté de Glatz à l'exception de Reinerz et de Lewin. On a fait cinquante prisonniers, dont deux officiers. Je n'entends rien aux aurores boréales,a et j'y ajoute autant de foi qu'aux comètes. Élève de Bayle, j'ai l'esprit tranquille à l'égard de ces superstitions, mais non pas


a On avait écrit au Roi sur une aurore boréale, comme présageant de bonnes choses pour Sa Majesté. (Note de la main de M. de Catt.)