<159>à travailler pour la perfection des arts, quand il voit, quand il entend des merveilles qu'il ne m'est pas permis d'exprimer dans cette lettre-ci, et qui n'en font pas moins l'admiration de l'Europe! Je m'arrête, madame, en si beau chemin, non faute de matière, mais par discrétion; j'espère que V. A. R. me tiendra compte du sacrifice que je fais à son extrême modestie d'une infinité de choses que j'ai sur le cœur, et dont je me plais à m'entretenir avec d'autres. Daignez jeter quelque regard bénévole sur ces lignes, et surtout recevoir avec bonté les assurances du parfait attachement et de la haute estime avec laquelle je suis à jamais, etc.

101. DE L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.

Dresde, 23 août 1768.



Sire,

La dernière lettre que Votre Majesté m'a fait l'honneur de m'écrire m'a donné la joie de vous savoir heureusement retourné de votre voyage, et le plaisir de rire de grand cœur de tout ce que vous m'en dites. Je sais bien, Sire, que vous n'avez pas toujours fait rire les gens, et que les généraux ennemis ne vous trouvent pas fort plaisant quand vous êtes à la tête de vos armées. Mais c'est encore une preuve que vous êtes tout ce que vous voulez être. Tant pis pour vos ennemis, si vous leur paraissez très-sérieux. Pour moi, qui n'ai pas le malheur d'être votre ennemie, rien ne m'empêche de rire de votre opéra hollandais, de vos héros voyageurs, et de votre titre de grand moutardier du pape. Prenez seulement garde, Sire, que ce ne soit pas de la moutarde après dîner. De la manière dont quelques puissances ont commencé, l'ordinaire du saint-père sera fort ébréché, et si tout le monde reprend ce qui lui a appartenu anciennement, il court risque de faire très-mauvaise chère. Il sera beau alors de voir un roi protestant rétablir sa cuisine. C'est où je vous