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87. DE L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.

Dresde, 4 septembre 1767.

Il est très-vrai, comme l'observe Votre Majesté, chacun de nous voit les choses dans son point de vue, et les juge en conséquence. Je souhaite de pouvoir toujours considérer les événements dans une position correspondante à la vôtre, Sire; j'aurais alors de la confiance plutôt que de l'inquiétude. Cela était ainsi du temps de l'Empereur mon père; je m'en souviens, Sire, avec reconnaissance. Mon point de vue changea dans la suite; mais tout cela est passé, et ne reviendra plus, du moins selon mes vœux et mes espérances. Je ne verrai en V. M. qu'un grand monarque, un philosophe sur le trône, à qui je trouve qu'il ne sied point mal de citer Montaigne, et de qui je pourrais apprendre beaucoup. Vous ne m'eussiez jamais causé la moindre inquiétude, Sire, si vous étiez aussi peu fait pour être redouté à la guerre que pour ennuyer durant la paix. Les lettres de V. M. m'honorent et m'enchantent; je la supplie de ne considérer dans les miennes que l'expression naïve de cette haute considération avec laquelle je suis, etc.

88. A L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.

10 septembre 1767.



Madame ma sœur,

Précisément à mon retour de mon voyage, j'ai été réjoui par la lettre que V. A. R. a eu la bonté de m'écrire. Ce que j'ai eu l'honneur de vous dire n'est que trop vrai, madame; c'est précisément parce que chacun se place au centre du monde, et qu'il dirige les rayons de la circonférence vers lui, qu'il est si rare d'accorder le jugement de deux personnes sur les événements qui ar-