<72>Ils peuvent s'attendre de ma part que je me défendrai en désespéré; le hasard décidera du reste.

De cette affreuse tragédie
Vous jugez en repos parmi les spectateurs,
Et sifflez en secret la pièce et les acteurs;b
Mais de vos beaux esprits la cervelle étourdie
En a joué la parodie.
Vous imitez les rois, car vos fameux auteurs
De se persécuter ont tous la maladie;
Nos funestes débats font répandre des pleurs,
Quand vos poétiques fureurs
Au public né moqueur donnent la comédie.
Si Minerve de nos exploits
Et des vôtres un jour faisait un juste choix,
Elle préférerait, et j'ose le prédire,
Aux fous qui font pleurer les peuples et les rois
Les insensés qui les font rire.

Je vous ferai payer jusqu'au dernier sou, pour que Louis du moulina ait de quoi me faire la guerre. Ajoutez dixième au vingtième, mettez des capitations nouvelles, créez des charges pour avoir de l'argent, faites, en un mot, ce que vous voudrez. Nonobstant tous vos efforts, vous n'aurez la paix signée de mes mains qu'à des conditions honorables à ma nation. Vos gens bouffis de vanité et de sottise peuvent compter sur ces paroles sacramentales :

Cet oracle est plus sûr que celui de Calchas.b

Adieu, vivez heureux; et tandis que vous faites tous vos efforts pour détruire la Prusse, pensez que personne ne l'a jamais moins mérité que moi, ni de vous, ni de vos Français.


b Réminiscence des derniers vers de la fameuse épigramme de J.-B. Rousseau qui commence par le vers
     

Ce monde-ci n'est qu'une œuvre comique,

et qui finit par ceux-ci :
     

Mais nous payons, utiles spectateurs;
Et quand la farce est mal représentée,
Pour notre argent nous sifflons les acteurs.

a Voyez t. III, p. 110; t. XII, p. 126 et 156; et t. XIX, p. 183.

b Racine, Iphigénie, acte III, scène VII.