<404>rence que vous la corrigerez de ses ridicules avant qu'il soit trois ou quatre mille ans, et, en vérité, vous méritez de vivre jusqu'à cette heureuse révolution. Je ne désespère pas que vous ne montriez ce nouveau prodige au monde. En effet, s'il y a quelque secret pour l'opérer, c'est le beau précepte que vous rapportez à la fin de votre Rêve : « Réjouis-toi, car tu n'es pas sûr d'en faire autant demain. »

Si vos productions de la nuit m'ont fait un si grand plaisir, celles du jour ne m'en font pas moins. Vos petits vers sont délicieux; mais vous n'avez pas prophétisé aussi juste sur moi que sur le reste de l'univers. Je n'ai point vu M. le comte de Falkenstein,b et vous verrez pourquoi dans la lettrec que j'eus l'honneur de vous écrire avant celle-ci, et que je mets à la suite. Je vous y demande une grâce singulière, mais qui me paraît nécessaire, et dont il peut résulter un très-grand bien.

Je me jette à vos pieds, etc.

560. A VOLTAIRE.a

Le 13 août 1777.

Je reçois vos deux jolies lettres la veille de mon départ pour la Silésie, de sorte que je me hâte de vous répondre. J'avais cru que, les oracles étant dans leur origine rendus en vers, Apollon inspirait tous les poëtes; mais il n'inspire que les Voltaire et les Virgile, et les poëtes obotrites prédisent de travers, comme il m'est quelquefois arrivé. Je dis : Tant pis pour l'Empereur s'il ne vous a pas vu; des ports de mer, des vaisseaux, des arsenaux se trouvent partout; mais il n'y a qu'un Voltaire que notre siècle ait produit, et quiconque a pu l'entendre, et ne l'a pas fait, en


b L'Empereur fit une visite à Albert de Haller. à Berne, le 19 juillet; il ne voulut pas voir Voltaire.

c Cette lettre manque. (Note de M. Beuchot.)

a Œuvres posthumes, t. IX, p. 344-346.