<395>d'une manière excessive. Le seul moyen de diminuer, avec le temps, le fardeau de ces dettes, serait de resserrer les dépenses, et de retrancher tout le superflu. C'est à quoi on ne parviendra jamais; car, au lieu de dire : J'ai tant de revenu, et je puis dépenser tant, on dit : Il me faut tant, trouvez des ressources.

Une forte saignée faite à ces faquins tonsurés pourrait procurer quelques ressources; cependant cela ne suffirait pas pour éteindre en peu les dettes, et procurer au peuple les soulagements dont il a le plus grand besoin. Cette situation fâcheuse a sa source dans les règnes précédents, qui ont contracté des dettes, et ne les ont jamais acquittées. A présent la masse en est si énorme, qu'il ne reste plus qu'une banqueroute à faire pour s'en libérer. Si la guerre s'allume avec l'Angleterre, ce qui paraît inévitable, il faudra des fonds pour la soutenir; l'impossibilité d'en trouver fera suspendre le payement des rentes; et voilà quarante mille familles au moins d'écrasées dans le royaume. Comptez qu'il ne reste d'autre moyen au gouvernement d'éviter une catastrophe aussi cruelle que de faire une banqueroute réfléchie; s'entend de réduire les rentes et le capital à la moitié de sa valeur. Vous me demandez si j'approuve ce parti. Non, certainement, si j'en voyais un meilleur. Toutefois, en examinant bien les conjonctures présentes, c'est le meilleur; et, comme dit le proverbe, de deux maux il faut choisir le moindre.a

C'est ce dérangement des finances qui influe maintenant sur toutes les branches du gouvernement; il a arrêté les sages projets de M. de Saint-Germain, qui ne sont pas même exécutés à demi; il empêche le ministère de reprendre cet ascendant, dans les affaires de l'Europe, dont la France était en possession depuis Henri IV. Enfin, pour ce qui est de votre parlement, en qualité de penseur, j'ai condamné son rappel, parce qu'il était contraire aux principes de la dialectique et du bon sens.

Tenez, voilà comme on découvre et comme on voit les fautes des autres, tandis que l'on est aveugle sur ses propres défauts.


a La fin de cet alinéa, à partir de « A présent la masse, » est tirée des Œuvres posthumes, t. X, p. 90 et 91. Elle a été omise dans le texte des éditions de Kehl, de Bâle, et de M. Beuchot; cependant ce dernier la donne dans une note, t. LXX, p. 251.