<349>Il sait, par d'invincibles charmes,
Me communiquer ses alarmes;
Il émeut, il perce le cœur
Par la pitié, par la terreur;
Et mes yeux se fondent en larmes.
Ah! malheur au cœur inhumain
Que rien n'ébranle et rien ne touche!
Le mortel ou vain, ou farouche,
Ne voit nos maux qu'avec dédain.
Est-on fait pour être impassible?
J'existe par le sentiment,
Et j'aime à sentir vivement
Que mon cœur est encor sensible.

Voilà, dans l'exacte vérité, le plaisir que m'ont lait les représentations de vos tragédies. Le Kain a sans doute aidé dans le récit et dans l'action; mais quand même un moins bon acteur les eût représentées, le fond l'aurait emporté sur la déclamation. Je pourrais servir de souffleur à vos pièces; il y en a beaucoup que je sais par cœur. Si je ne fais pas autrement fortune en ce monde, ce métier sera ma dernière ressource. Il est bon d'avoir plus d'une corde à son arc.

Je ne suis pas au fait de la cour de Versailles, et je ne sais qu'en gros ce qui s'y passe. Je ne connais ni les Turgot, ni les Malesherbes; s'ils sont de vrais philosophes, ils sont à leur place. Il ne faut ni préjugé ni passion dans les affaires; la seule qui soit permise est celle du bien public. Voilà comme pensait Marc-Aurèle, et comme doit penser tout souverain qui veut remplir son devoir.

Pour votre jeune roi, il est ballotté par une mer bien orageuse; il lui faut de la force et du génie pour se faire un système raisonné, et pour le soutenir. Maurepas est chargé d'années; il aura bientôt un successeur, et il faudra voir alors sur qui le choix du monarque tombera, et si le vieux proverbe se dément : Dis-moi qui tu hantes, et je dirai qui tu es.

Je viens de voir en Silésie un M. de Laval-Montmorency et un Clermont-Gallerande qui m'ont dit que la France commençait à connaître la tolérance, qu'on pensait à rétablir l'édit de Nantes, si longtemps supprimé. Je leur ai répondu tout uniment