211. A VOLTAIRE.

Le 8 septembre 1740 (1743).

Je n'ose parler à un fils d'Apollon de chevaux, de carrosses, de relais et de pareilles choses; ce sont des détails dont les dieux ne <145>se mêlent pas, et que nous autres humains prenons sur nous. Vous partirez lundi après midi, si vous le voulez, pour Baireuth,163-b et vous dînerez chez moi en passant, s'il vous plaît.

Le reste de mon mémoire est si fort barbouillé et en si mauvais état, que je ne puis vous l'envoyer. Je fais copier les chants VIII et IX de la Pucelle. J'en possède à présent le Ier, le IIe, le IVe, le Ve, le VIIIe, et le IXe; je les garde sous trois clefs, pour que l'œil des mortels ne puisse les voir.

On dit que vous avez soupé hier en bonne compagnie.

Les plus beaux esprits du canton,
Tous rassemblés en votre nom,
Tous gens à qui vous deviez plaire,
Tous dévots croyant à Voltaire,
Vous ont unanimement pris
Pour le dieu de leur paradis.

Le paradis, pour que vous ne vous en scandalisiez pas, est pris ici, dans un sens général, pour un lieu de plaisir et de joie. Voyez la remarque sur le dernier vers du Mondain.164-a Vale.


163-b Voltaire partit pour Baireuth le mardi 10 septembre 1743, et fut de retour a Potsdam le 20.

164-a La remarque sur le dernier vers du Mondain,
     

Le paradis terrestre est où je suis,

se trouve dans les Œuvres de Voltaire, édit. Beuchot, t. XIV, p. 131.