<69>à détruire, des alliés à se faire ou à retenir, des siéges, des combats, tous les desseins, toutes les actions et tous les détails d'un héros. Vous aurez peut-être tout, hors le bonheur. Vous pourrez ou faire un empereur, ou empêcher qu'on n'en fasse un, ou vous faire empereur vous-même; si le dernier cas arrive, vous n'en serez pas plus Sacrée Majesté pour moi.

J'ai bien de l'impatience de dédier Mahomet à cette adorable Majesté. Je l'ai fait jouer à Lille, et il a été mieux joué qu'il ne l'eût été à Paris; mais, quelque émotion qu'il ait causée, cette émotion n'approche pas de celle que ressent mon cœur en voyant tout ce que vous faites d'héroïque.

166. A VOLTAIRE.

Camp de Mollwitz, 13 mai 1741.

Les gazettes de Paris qui vous disaient à l'extrémité, et madame du Châtelet ne bougeant de votre chevet, m'ont fait trembler pour les jours d'un homme que j'aime, lorsque j'ai vu par votre lettre que ce même homme est plein de vie, et qu'il m'aime encore.

Ce n'est point mon frère qui a été blessé, c'est le prince Guillaume, mon cousin. Nous avons perdu à cette heureuse et malheureuse journée quantité de bons sujets. Je regrette tendrement quelques amis dont la mémoire ne s'effacera jamais de mon cœur. Le chagrin des amis tués est l'antidote que la Providence a daigné joindre à tous les heureux succès de la guerre, pour tempérer la joie immodérée qu'excitent les avantages remportés sur les ennemis. Le regret de perdre de braves gens est d'autant plus sensible, qu'on doit de la reconnaissance à leurs mânes, et sans pouvoir jamais s'en acquitter.

La situation où je suis m'amènera dans peu, mon cher Voltaire, à risquer de nouveaux hasards. Après avoir abattu un arbre, il est bon d'en détruire jusqu'aux racines, pour empêcher