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327. VOLTAIRE A L'ABBÉ DE PRADES.b

Berlin, au Belvédère, 15 mars (1753).

Cher abbé, votre style ne m'a pas paru doux. Vous êtes un franc secrétaire d'État; mais je vous avertis qu'il faut que je vous embrasse avant mon départ. Je ne pourrai vous baiser, car j'ai les lèvres trop enflées de mon diable de mal. Vous vous passerez bien de mes baisers, mais ne vous passez point, je vous en prie, de ma vive et sincère amitié. Je vous avoue que je suis désespéré de vous quitter, et de quitter le Roi; mais c'est une chose indispensable. Voyez avec le cher marquis, avec Fredersdorf, pardieu avec le Roi lui-même, comment vous pourrez faire pour que j'aie la consolation de le voir avant mon départ. Je le veux absolument; je veux embrasser de mes deux bras l'abbé et le marquis. Le marquis ne sera pas plus baisé que vous; le Roi non plus. Mais je m'attendrirai; je suis faible, je suis une poule mouillée. Je ferai un sot personnage; n'importe; je veux encore une fois prendre congé de vous deux. Si je ne me jette pas aux pieds du Roi, les eaux de Plombières me tueront. J'attends votre réponse pour quitter ce pays-ci en homme heureux ou en infortuné. Comptez sur moi pour la vie.

328. (a) FRÉDÉRIC A VOLTAIRE.a

(16 mars 1753.)

Qu'il peut quitter ce service quand il lui plaira;b qu'il n'a pas besoin d'employer le prétexte des eaux de Plombières, mais qu'il aura la bonté, avant que de partir, de me remettre le contrat de


b Tirée des archives du Cabinet de Berlin.

a Ce fragment, formant le précis d'une lettre à Voltaire, a été copié sur la minute autographe du Roi, conservée aux archives du Cabinet de Berlin.

b Voltaire partit de Potsdam le 26 mars.