<289>celui qui a daigné rassurer ma famille contre ses craintes, se souviendra que depuis seize ans je lui suis attaché. Comment, Sire, après ce temps, ne me serais-je pas donné entièrement à vous, quand je joins à l'étonnement où vos talents me jettent le bonheur de trouver mes sentiments, mes goûts justifiés par les vôtres, la même horreur des préjugés, la même ardeur pour l'étude, la même impatience de finir ce qui est commencé, avec la patience de le polir et de le retoucher? Vous m'encouragez au bout de ma carrière; et, à présent que vous êtes perfectionné dans la connaissance et dans l'usage de toutes les finesses de notre langue, en vers et en prose, à présent que je ne vous suis plus d'aucun secours pour les bagatelles grammaticales, vous me souffrirez par bonté, par générosité, par cette constance attachée à vos vertus. Vous n'ignorez pas que mon cœur est fait pour être sensible avec persévérance, que j'ai vécu vingt ans avec la même personne, que mes amis sont des amis de plus de quarante années, que je n'en ai perdu que par la mort, et que ma passion pour vous vous a fait le maître de ma destinée.

305. A VOLTAIRE.a

(Février) 1752.

J'ai cru d'un jour à l'autre vous voir arriver ici, ce qui m'a empêché de vous remercier plus tôt de l'Histoire de Louis XIV, que j'ai à présent quadruple. Pour bien suivre l'art dont vous avez fait cet extrait, je lis la première partie avec le commentaire de Quincy, ce dictionnaire de batailles et de siéges; et j'attends à votre retour à vous en dire mon sentiment. Mon impatience m'a fait lire le second volume en même temps; et, à vous dire le vrai, je le trouve supérieur au premier, tant par la nature des


a Cette lettre est tirée du Supplément aux Œuvres posthumes, t. II, p. 383, et nous l'avons corrigée d'après l'autographe, dont feu M. Jean-Guillaume Oelsner, de Breslau, nous avait fourni une exacte copie.