<246>verrez ici un philosophe qui n'a d'autre passion que celle de l'étude, et qui sait, par les difficultés qu'il trouve dans son travail, reconnaître le mérite de ceux qui, comme vous, y réussissent aussi supérieurement.

Il est ici une petite communauté qui érige des autels au dieu invisible; mais, prenez-y bien garde, des hérétiques élèveront sûrement quelques autels à Baal, si notre dieu ne se montre bientôt. Je n'en dis pas davantage. Adieu.

261. DE VOLTAIRE.

Paris, 8 mai 1750.

Oui, grand homme, je vous le dis,
Il faut que je me renouvelle.
J'irai dans votre paradis
Du feu qui m'embrasait jadis
Ressusciter quelque étincelle,

Et dans votre flamme immortelle
Tremper mes ressorts engourdis.
Votre bonté, votre éloquence,
Vos vers coulant avec aisance,
De jour en jour plus arrondis,
Sont ma fontaine de Jouvence.

Mais il ne faut pas tromper son héros. Vous verrez, Sire, un malingre, un mélancolique, à qui V. M. fera beaucoup de plaisir, et qui ne vous en fera guère; mon imagination jouira de la vôtre. Ayez la bonté de vous attendre à tout donner sans rien recevoir. Je suis réellement dans un très-triste état; d'Arnaud peut vous en avoir rendu compte. Mais enfin vous savez que j'aime cent fois mieux mourir auprès de vous qu'ailleurs. Il y a encore une autre difficulté; je vais parler, non pas au roi, mais à l'homme qui entre dans le détail des misères humaines. Je suis riche, et même très-riche pour un homme de lettres. J'ai ce qu'on appelle à Paris monté une maison où je vis en philosophe avec ma fa-