<215>pêche, car j'ai hâte de vous voir. Je sens l'extrême besoin que j'ai de vous, et le grand secours dont vous pouvez m'être. La passion de l'étude me durera toute ma vie. Je pense sur cela comme Cicéron, et comme je le dis dans une de mes Épîtres.a En m'appliquant, je puis acquérir toutes sortes de connaissances; celle de la langue française, je veux vous la devoir. Je me corrige autant que mes lumières me le permettent; mais je n'ai point de puriste assez sévère pour relever toutes mes fautes. Enfin je vous attends, et je prépare la réception du gentilhomme ordinaire et du génie extraordinaire.

On dit à Paris que vous ne viendrez point, et je dis que oui, car vous n'êtes point un faussaire; et, si l'on vous accusait d'être indiscret, je dirais que cela peut être; de vous laisser voler, j'y acquiescerais; d'être coquet,b encore. Vous êtes enfin comme l'éléphant blanc pour lequel le roi de Perse et l'empereur du Mogol se font la guerre, et dont ils augmentent leurs titres, quand ils sont assez heureux pour le posséder.c Adieu. Si vous venez ici, vous verrez à la tête des miens : Federic par la grâce de Dieu roi de Prusse, électeur de Brandebourg, possesseur de Voltaire, etc., etc.

245. DE VOLTAIRE.

Paris, 15 octobre 1749.

Sire, je viens de faire un effort, dans l'état affreux où je suis, pour écrire à M. d'Argens; j'en ferai bien un autre pour me mettre aux pieds de V. M.

J'ai perdu un ami de vingt-cinq années,a un grand homme qui n'avait de défaut que d'être femme, et que tout Paris regrette


a Épître à Hermotime. Voyez t. X, p. 69.

b Voyez t. XIV, p. 193.

c Voyez t. XX, p. 108.

a La marquise du Chàtelet, morte à Lunéville le 10 septembre 1749. Voyez t. XVII, p. I et II, et p. 1-52.