<213>Autre affaire. Il a plu à mon cher Isaac Onis,b fort aimable chambellan de V. M., et que j'aime de tout mon cœur, d'imprimer que j'étais très-mal dans votre cour. Je ne sais pas trop sur quoi fondé, mais la chose est moulée, et je le pardonne de tout mon cœur à un homme que je regarde comme le meilleur enfant du monde. Mais, Sire, si le maître de la chapelle du pape avait imprimé que je ne suis pas bien auprès du pape, je demanderais des agnus et des bénédictions à Sa Sainteté. V. M. m'a daigné donner des pilules qui m'ont fait beaucoup de bien; c'est un grand point; mais si elle daigne m'envoyer une demi-aune de ruban noir, cela me servirait mieux qu'un scapulaire. Le roi auprès de qui je suis ne peut m'empêcher de courir vous remercier. Personne ne pourra me retenir. Ce n'est pas assurément que j'aie besoin d'être mené en laisse par vos faveurs; et je vous jure que j'irai bien me mettre aux pieds de V. M. sans ficelle et sans ruban. Mais je peux assurer V. M. que le souverain de Lunéville a besoin de ce prétexte pour n'être pas fâché contre moi de ce voyage. 11 a fait une espèce de marché avec madame du Châtelet, et je suis, moi, une des clauses du marché. Je suis logé dans sa maison, et, tout libre qu'est un animal de ma sorte, il doit quelque chose au beau-père de son maître. Voilà mes raisons, Sire. J'ajouterai que je vous étais tendrement attaché, avant qu'aucun de ceux que vous avez comblés de vos bienfaits eût été connu de V. M., et je vous demande une marque qui puisse apprendre à Lunéville et sur la route de Berlin que vous daignez m'aimer. Permettez-moi encore de dire que la charge que je possède auprès du Roi mon maître,a étant un ancien office de la couronne qui donne les droits de la plus ancienne noblesse, est non seulement très-compatible avec cet honneur que j'ose demander, mais m'en rend plus susceptible. Enfin, c'est l'ordre du mérite, et je veux tenir mon mérite de vos bontés. Au reste, je me dispose à partir le mois d'octobre; et, que j'aie du mérite ou non, je suis à vos pieds.


b Le marquis d'Argens. Voyez t. XIX, p. 443.

a Celle de gentilhomme ordinaire de la chambre du Roi, accordée à Voltaire à l'occasion de la Princesse de Navarre, qu'il avait composée pour le mariage de la Dauphine. Voyez ses Œuvres, édit. Beuchot, t. XIV, p. 388.