<315>Frascati. Les philosophes auront beau prétendre que la terre s'est approchée du soleil, ils feront de vains systèmes, et je saurai la vérité du fait.

V. A. R. me dit qu'il lui a fallu lire bien des livres pour son Antimachiavel; tant mieux, car elle ne lit qu'avec fruit; ce sont des métaux qui deviendront or dans votre creuset. Il y a des Discours politiques de Gordon, à la tête de sa traduction de Tacite, qui sont bien dignes d'être vus par un lecteur tel que mon prince; mais, d'ailleurs, quel besoin Hercule a-t-il de secours pour étouffer Antée ou pour écraser Cacus?

Je vais vite travailler à achever le petit tribut que j'ai promis à mon unique maître; il aura, dans quinze jours, le second acte de Mahomet; le premier doit lui être parvenu par la même voie des sieurs Girard et compagnie.

On a achevé une nouvelle édition de mes ouvrages en Hollande; mais V. A. R. en a beaucoup plus que les libraires n'en ont imprimé. Je ne reconnais plus d'autre Henriade que celle qui est honorée de votre nom et de vos bontés; ce n'est pas moi, sûrement, qui ai fait les autres Henriades. Je quitte mon prince pour travailler à Mahomet, et je suis, etc., etc.

99. A VOLTAIRE.

Potsdam, 9 septembre 1739.

Mon cher ami, j'ai reçu deux de vos lettres à la fois, auxquelles je vous réponds, savoir celles du 12 d'août et du 17. J'ai très-bien reçu de même le second acte de Mahomet, qui me paraît fort beau, mais, à vous parler franchement, moins travaillé, moins fini que le premier. Il y a cependant un vers, dans le premier acte, qui m'a fait naître un doute : je ne sais si l'usage veut qu'on dise écraser des étincelles; j'ai cru qu'il fallait dire éteindre ou étouffer des étincelles.a


a Voltaire a fait cette correction.