<239>à ces grands hommes; mais je suis bien plus heureux qu'eux : je jouis de la paix; j'ai une fortune convenable à un particulier, et plus grande qu'il ne la faut à un philosophe; je vis dans une retraite délicieuse, auprès de la femme la plus respectable, dont la société me fournit toujours de nouvelles leçons. Enfin, monseigneur, vous daignez m'aimer; le plus vertueux, le plus aimable prince de l'Europe daigne m'ouvrir son cœur, me confier ses ouvrages et ses pensées, et corriger les miennes. Que me faut-il de plus? La santé seule me manque; mais il n'y a point de malade plus heureux que moi.

V. A. R. veut-elle permettre que je lui envoie la moitié du cinquième acte de Mérope, que j'ai corrigé? Et si la pièce, après une nouvelle lecture, lui paraît digne de l'impression, peut-être la hasarderai-je.

Madame la marquise du Châtelet vient de recevoir le plan de Remusberg, dessiné par cet homme aimable dont on se souviendra toujours à Cirey. Il est bien triste de ne voir tout cela qu'en peinture, etc. (Le reste manque.)

67. A VOLTAIRE.

Remusberg, 9 novembre 1738.

Mon cher ami, je viens de recevoir une lettre et des vers que personne n'est capable de faire que vous. Mais si j'ai l'avantage de recevoir des lettres et des vers d'une beauté préférable à tout ce qui a jamais paru, j'ai aussi l'embarras de ne savoir souvent comment y répondre. Vous m'envoyez de l'or de votre Potose, et je ne vous renvoie que du plomb. Après avoir lu les vers assez vifs et aimables que vous m'adressez, j'ai balancé plus d'une fois avant que de vous envoyer l'Épître sur l'Humanité,a que vous


a Si cette pièce n'est pas celle dont Voltaire fait l'éloge dans sa lettre du 1er janvier 1789, en en citant les deux premiers vers, et que nous avons imprimée t. X, p. 61-67, sous le titre d'Épître à mon frère de Prusse, nous avouons ne pas la connaître.