<238>dans son pays, pourrait aller lui-même pour voir si une acquisition pareille serait à sa bienséance. Je m'en rapporte d'ailleurs à ma dernière lettre, où je vous ai détaillé plus au long jusqu'où allaient mes espérances, et de quelle manière je me flattais de vous voir.

Thieriot doit être à présent à Cirey; il n'y aura donc que moi qui n'y serai jamais! Ma curiosité est bien grande pour savoir ce que vous aurez répondu à madame de Brandt;a tout ce que j'en sais, c'est qu'il y a des vers contenus dans votre réponse; je vous prie de me les communiquer.

La marquise aura autant de plumes qu'elle en cassera;b je me fais fort de les lui fournir. J'ai déjà fait écrire en Prusse pour en avoir, et pour ajouter ce qui pourrait être omis à l'encrier. Assurez cette unique marquise de mes attentions et de mon estime.

Je suis à jamais, et plus que vous ne pouvez le croire, etc.

66. DE VOLTAIRE.

(Cirey, septembre ou octobre 1738.)

Je vois toujours, monseigneur, avec une satisfaction qui approche de l'orgueil, que les petites contradictions que j'essuie dans ma patrie indignent le grand cœur de V. A. R. Elle ne doute pas que son suffrage ne me récompense bien amplement de toutes ces peines; elles sont communes à tous ceux qui ont cultivé les sciences; et, parmi les gens de lettres, ceux qui ont le plus aimé la vérité ont toujours été le plus persécutés.

La calomnie a voulu faire périr Des Cartes et Bayle; Racine et Boileau seraient morts de chagrin, s'ils n'avaient eu un protecteur dans Louis XIV. Il nous reste encore des vers qu'on a faits contre Virgile.a Je suis bien loin de pouvoir être comparé


a Voyez t. XVI, p. 163 et 171; et ci-dessus, p. 227.

b Il s'agit d'une plume d'ambre envoyée à madame du Châtelet, et qu'elle avait cassée.

a Donat en parle dans sa Vita Virgilii, chap. XVI.