<222>prix, et qu'elle en aurait eu à tout autre tribunal qu'à celui qui reçoit encore les lois de Des Cartes, et qui a de la foi pour les tourbillons.

Elle ne manquera pas d'avoir l'honneur d'envoyer à V. A. R. ce mémoire que vous daignez demander; elle est digne d'un tel juge; elle joint ses respects et ses sentiments aux miens.

Je suis avec la vénération, la reconnaissance et l'attachement que je vous dois, monseigneur, etc.

60. A VOLTAIRE.

Loo, en Hollande, 6 août 1738.

Mon cher ami, je vous reconnais, je reconnais mon sang dans la belle Épître sur l'Hommea que je viens de recevoir, et dont je vous remercie mille fois. C'est ainsi que doit penser un grand homme, et ces pensées sont aussi dignes de vous que la conquête de l'univers l'était d'Alexandre. Vous recherchez modestement la vérité, et vous la publiez avec hardiesse lorsqu'elle vous est connue. Non, il ne peut y avoir qu'un Dieu et qu'un Voltaire dans la nature. Il est impossible que cette nature, si féconde d'ailleurs, recopie son ouvrage pour reproduire votre semblable.

Il n'y a que de grandes vérités dans votre Epître sur l'Homme. Vous n'êtes jamais plus grand ni plus sublime que lorsque vous restez bien ce que vous êtes. Convenez, mon cher ami, que l'on ne saurait bien être que ce que l'on est; et vous avez tant de raisons d'être satisfait de votre façon de penser, que vous ne devriez jamais vous rabaisser en empruntant celle des autres.

Que les moines, obscurément encloîtrés, ensevelissent dans leur crasseuse bassesse leur misérable théologie; que nos descendants ignorent à jamais les puériles sottises de la foi, du culte et des cérémonies des prêtres et des religieux. Les brillantes fleurs


a Sixième Discours sur l'Homme. Sur la nature de l'Homme. Œuvres de Voltaire, édit. Beuchot, t. XII, p. 88.