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27. DE M. DARGET.

Vincennes, 3 août 1754.



Sire,

La bonté de Votre Majesté la porte à me souhaiter du repos et de la gaieté; je n'ai pas plus de celle-ci qu'à Potsdam, et j'y pourrais avoir plus de repos qu'en tout autre endroit du monde, si j'avais eu de la santé et point de fils. C'est à ces deux objets que j'ai sacrifié le bonheur de ma vie, que mon attachement pour vous, Sire, me faisait trouver à vos pieds, et que le souvenir de ces moments-là troublera toujours, au milieu même des agréments que l'on peut goûter à Paris, si je réunissais jamais assez de fortune pour pouvoir me les procurer. Mais c'est ce dont j'ai grand lieu de douter, si la protection et l'appui de V. M. ne décident pas le ministère à faire quelque chose pour moi. C'est où je mets mon espérance, et je me flatte toujours que V. M., qui a daigné me le promettre, ne se refusera point à la réaliser, si l'occasion vient à se présenter.

M. de Voltaire est encore à Plombières, où ses nièces ont été le voir; on ne sait où il ira ensuite. Son séjour à l'abbaye de Sénones avec le célèbre Dom Calmeta avait fait débiter beaucoup de propos ridicules sur sa prétendue conversion. Mais il a envoyé quelques articles très-bien faits pour l'Encyclopédie à M. d'Alembert, et y a joint une lettre qui ne marque pas un homme subjugué par les préjugés.

C'est de V. M. que j'ai appris le mariage du comte Algarotti; elle perd en lui un homme fort agréable. S'il pense comme moi, ce sera avec grand regret qu'il a fait faire pour son compte maison neuve à V. M., expression qu'elle daigne employer si obligeamment elle-même.

La lettre que j'ai reçue de M. l'abbé de Prades m'a d'abord véritablement affligé, Sire, dans la crainte où j'ai été que l'édition de vos Œuvres ne fût égarée ou perdue, ce qui ne pourrait qu'inquiéter vivement V. M. Mais quelle apparence qu'une édition entière ait disparu? J'ai bien reconnu, par le petit format


a Voyez t. XV, p. IV, et p. 35-60.