<61>dans ceux qui se sont attachés à mon sort; mais, brûlé pour brûlé, il vaut mieux que ce soit le livre que la personne. Ainsi, mon cher, abandonnez aux flammes vos pensées philosophiques, sans que cela trouble votre philosophie. J'éprouve de plus grandes indignités par les infamies que quantité de libelles publient contre moi. Je laisse faire et ne pense qu'à sauver l'État, et, sans m'embarrasser du chagrin que l'on veut me causer, ni du tort que l'on prétend me faire, je vais mon chemin sans m'embarrasser du reste. Faites-en de même, et qu'il ne vous arrive pas d'autre malheur que celui-là; vous devrez vous en consoler. Maupertuis a raison : dans cette chienne de vie, la somme des maux surpasse celle des biens. Le bonheur ne répand que des étincelles passagères sur nos jours, et le chagrin, des ombres profondes et durables. Voltaire a fait une ode pour ma sœur, où il y a de très-beaux morceaux. Il est très-piqué contre ses compatriotes. En vérité, mon cher, je ne vous dirais que des sottises, si je vous détaillais mes pensées. Écrivez-moi souvent, et ne m'oubliez pas. Adieu, cher marquis, adieu.

52. AU MÊME.

(Bolkenhayn) 4 avril 1759.

Noël, qui arrive, m'annonce la fâcheuse nouvelle de votre maladie. Puisque c'est une ébullition de sang, il y a toute apparence que ces mauvaises humeurs, une fois sorties du corps, vous procureront une bonne santé pendant l'hiver. Il faut rester à Francfort jusqu'à votre entier rétablissement, puis retourner à Berlin. Quoique je sois très-faible, je suis obligé de partir le 7 pour la Saxe. Ainsi, marquis, reste à savoir où nous nous reverrons. Je commande plus impérieusement à mon corps que vous au vôtre; il faut qu'il aille lorsqu'il y a nécessité de marcher. Mais mes raisons sont plus pressantes que les vôtres. Il faut bien finir la campagne pour avoir une bonne paix, et cela vaut la peine