<45>visager, il y a trois ans, sans frémir. Voilà une lettre peu agréable et peu consolante, mais je vous vide mon cœur, et je vous écris plus pour le décharger que pour vous amuser. Écrivez-moi quelquefois, et soyez persuadé de mon amitié. Adieu.

La philosophie, mon cher, est bonne pour adoucir les maux passés ou futurs, mais elle est vaincue par les maux présents.

37. AU MÊME.

Torgau, 15 novembre 1757.

Cette année, mon cher marquis, a été terrible pour moi. Je tente et j'entreprends l'impossible pour sauver l'État; mais en vérité j'ai besoin plus que jamais du secours des causes secondes pour réussir. L'affaire du 5 novembrea a été très-heureuse; nous avons huit généraux français, deux cent soixante officiers, passé six mille hommes de prisonniers. Nous avons perdu un colonel, deux autres officiers, et soixante-sept soldats; il y a deux cent vingt-trois blessés. C'est à quoi je ne devais pas aspirer; il faut voir ce qui arrivera à l'avenir. J'ai été obligé de faire arrêter l'abbé; il a fait l'espion, et j'en ai beaucoup de preuves évidentes. Cela est bien infâme et bien ingrat. J'ai fait prodigieusement de vers. Si je vis, je vous les montrerai au quartier d'hiver; si je péris, je vous les lègue, et j'ai ordonné de vous les remettre. A présent, nos bons Berlinois n'auront plus rien à craindre de la visite ni des Autrichiens, ni des Suédois, et, en gagnant une bataille, je n'y profite que de pouvoir m'opposer avec sûreté à d'autres ennemis. Ces temps affreux et cette guerre feront sûrement époque dans l'histoire. Vos Français ont commis des cruautés dignes des pandours; ce sont d'indignes pillards. En vérité, l'acharnement qu'ils me marquent est bien honteux; leurs procédés ne tendent qu'à se faire un ennemi irréconciliable d'un ami


a La bataille de Rossbach.