<371>content de cette campagne. La Fortune n'est plus une déesse esclave des caprices des Autrichiens; elle s'est affranchie du joug sous lequel ils semblaient l'avoir soumise. Que dira Bute et toute sa clique, qui voulait si lâchement nous abandonner?

J'aurais, Sire, encore bien des choses à dire à V. M.; mais dans ce moment ma cuisinière entre pour me demander si je ne donnerai pas ce soir une petite fête, et ce que je veux pour mon souper, ayant, dès que j'ai entendu les cornets des postillons, fait prier quelques-uns de nos académiciens à venir philosophiquement célébrer la gloire du prince Henri et des armes prussiennes. Nous ne nous couronnerons point de roses, parce qu'il n'y en a pas dans cette saison; nous ne boirons point de vin de Falerne, parce que nos marchands n'en vendent point; mais nous verserons quelques bonnes bouteilles d'excellent Pontac, qui seront bues en vous souhaitant, ainsi qu'au prince Henri, toute sorte de bonheur et de prospérité, car pour de la gloire, vous en regorgez tous les deux, et ce serait vouloir porter de l'eau à la rivière. J'ai l'honneur, etc.

279. AU MARQUIS D'ARGENS.

Torgau, 7 novembre 1762.

Je vois, mon cher marquis, la véritable part que vous prenez à nos succès. Il faut avouer que nous n'avons pas, quant à nos expéditions militaires de cette année, lieu de nous plaindre de la fortune. Je voudrais en pouvoir dire autant de la politique. Ces deux béquilles, qui devraient soutenir ma marche, sont toujours inégales, et me font boiter tantôt d'un côté, tantôt d'un autre. Si vous savez quelque secret pour les redresser, daignez en grâce me le communiquer. Je pars demain pour Meissen. S'il y a moyen de prendre Dresde sans trop hasarder, nous le prendrons, ou, si cela ne réussit pas, nous préambulerons sur les quartiers d'hiver et sur les arrangements qui m'achemineront à vous revoir