<350>que moi, qui se serait trouvé, ces sept campagnes, le jouet du hasard et l'opprobre des puissances prépondérantes, serait devenu un Marc-Aurèle. C'est le philosophe par force; mais enfin il est toujours bon de l'être, de quelque manière qu'on le devienne. Adieu, mon cher, mon divin marquis. Soyez tranquille, et attendez paisiblement ce qu'ordonnera de nous ce je ne sais quoi qui se moque des projets des hommes et arrange tout d'une façon inattendue. Mes compliments à la bonne Babet.

267. DU MARQUIS D'ARGENS.

Berlin, 21 septembre 1762.



Sire,

J'aurais eu l'honneur de répondre depuis plusieurs jours à la dernière lettre que V. M. m'a fait la grâce de m'écrire, mais j'ai été malade pendant deux semaines; il y en avait plus de six que je me sentais déjà incommodé. Heureusement un vomissement des plus violents, que la nature m'a procuré sans le secours d'aucun remède, m'a tiré d'affaire. Mon mal venait d'une bile recuite qui séjournait dans le corps et me causait des crampes très-douloureuses. Je puis appeler justement ma maladie la maladie de la révolution de Russie. Il est surprenant que, ayant supporté avec assez de fermeté tous les événements fâcheux qui nous sont arrivés pendant cette guerre, toute ma philosophie se soit évanouie à la première nouvelle de cette révolution. Enfin les choses ont tourné heureusement, il n'y faut plus penser. Mon inquiétude aujourd'hui roule sur Schweidnitz, et je ne saurais me persuader qu'il ne soit pas pris lorsque V. M. recevra ma lettre. Elle a bien raison de dire que M. de Gribeauval ne se mouche pas du pied. Comment cet homme se défend-il pendant deux mois dans une place qui nous a été enlevée dans deux heures? Mon médecin m'ordonne depuis le matin jusqu'au soir de ne pas me mettre en colère; mais quel est l'ange du ciel qui puisse songer à la manière