<337>bien fondées. Dieu veuille que celles que j'ai sur la continuation de la paix soient fausses! Vous me dites, Sire, que toutes les troupes russes retourneront en Russie; je le souhaite. Mais M. de Saldern, envoyé du Holstein, homme dévoué à V. M., me dit encore hier qu'il n'en croyait rien; les paquets qui arrivent de la Prusse sont cachetés avec les armes russiennes, et le manifeste que la cour de Pétersbourg a fait publier pour reprendre possession de ce pays a jeté ici tout le monde dans la consternation. Comment, Sire, pouvez-vous vous résoudre à laisser Stettin dans un état à ne pas résister à un coup de main? Trois bataillons de moins dans votre armée et deux bataillons dans celle du prince Henri font-ils donc le sort de ces armées? Mais ils le font de la principale et même de la seule ville qui assure Berlin et tout le Brandebourg. Excusez-moi, Sire, si je prends la liberté de vous dire ce que je pense à ce sujet. C'est un véritable zèle qui me fait parler. Plût à Dieu que je pusse voir V. M. tranquille, heureuse, et mourir une heure après! Je sacrifierais peu de chose, car la vie me devient à charge, et je suis las d'être dans un monde gouverné par une aveugle fortune et habité par des hommes plus méchants que les animaux les plus féroces. Le prince Ferdinand a remporté un avantage sur les Français, dont V. M. aura déjà reçu la nouvelle. Mon affliction est si grande, qu'à peine ai-je été sensible à cet événement; il n'y a plus que la conservation de V. M. qui puisse m'affecter, et l'espoir de vous voir surmonter à la fin les caprices d'une fortune bizarre. J'ai l'honneur, etc.

257. AU MARQUIS D'ARGENS.

Juillet 1762.

Vos appréhensions, mon cher marquis, sont mal fondées. Nous n'avons rien à craindre de la Russie; toutes les troupes s'en vont en Moscovie. Quant à cette révolution, je l'ai appréhendée; j'ai même averti l'Empereur de prendre ses mesures. Mais sa sécu-