<306>contre les Russes et le corps que nous opposions aux Suédois; car, d'ailleurs, vous aurez pu vous apercevoir par mes lettres que je n'ai jamais fait que très-peu de fond sur les gens que j'ai fréquentés avec M. d'Andrezel; ainsi, n'ayant jamais fondé sur eux la moindre espérance, ils n'entrent pour rien dans ma façon de penser. Je ne vois pas entièrement blanc, parce que je sais que la plus grande prudence d'un général peut être rendue inutile par la bêtise ou par la lâcheté des subalternes; et malheureusement je n'ai que trop d'exemples de cette vérité. Mais j'espère en vos lumières, en vos talents supérieurs, et vous suppléerez à ce qui pourrait manquer. Vous me direz : Si le prince Ferdinand était battu? - Pourquoi le sera-t-il, puisqu'il a toujours battu ses ennemis jusqu'à présent? - Mais si le prince Henri avait quelque désavantage? - Pourquoi, étant plus fort qu'il n'a jamais été, n'agira-t-il pas aussi bien qu'il a fait jusqu'à présent? - Mais enfin, si l'empereur de Russie venait à mourir? - Pourquoi mourra-t-il? Il est jeune, il se porte bien, et nous ne sommes plus dans le siècle de la Médicis. - Mais si moi, roi de Prusse, j'étais battu? - Si cela arrive jamais, je consens que l'on me coupe la tête. J'ai l'honneur, etc.

232. AU MARQUIS D'ARGENS.

(Breslau) 8 avril 1762.

Vous êtes gai et de bonne humeur, mon cher marquis, et ce ne sera pas moi qui voudrai vous affliger par mes rêves mélancoliques. D'ailleurs, penser tristement ou gaiement ne fait rien aux choses; elles vont leur train, et l'événement, bon ou mauvais, il faut ensuite le recevoir, et dévorer son chagrin, si la fortune nous est contraire. Je suis à présent dans les négociations par-dessus les yeux; tout va à souhait à Pétersbourg, et j'ose vous dire que ce pays dont vous n'espérez rien remplira ce que j'en attends, mais un mois plus tard que je ne l'aurais désiré. Sur la fin de