<280>que je suis réduit absolument avec moi-même. Vous trouvez que c'est en assez mauvaise compagnie. Cependant, mon cher marquis, ne vous pendez pas encore, et attendez de moi, au préalable, un petit avis avant d'en venir à cette résolution. Adieu, mon cher; je vous embrasse. Souvenez-vous, puisqu'il faut que le jus d'absinthe soit amer, qu'il faut aussi dans ces circonstances que mes lettres soient tristes.

211. DU MARQUIS D'ARGENS.

Berlin, 19 janvier 1762.a



Sire,

Je viens de recevoir dans ce moment les deux pièces que Votre Majesté m'a fait la grâce de m'envoyer. Elles sont parfaitement écrites; je les ai d'abord lues deux fois de suite, et j'ai trouvé deux vers qui ne sont pas défectueux, mais dont l'un me paraît faible, et l'autre contient un terme dont un Romain n'a jamais pu se servir, car il n'a été inventé que dans le premier siècle du christianisme. Le premier de ces vers est dans Othon, et le second dans Caton.

Au moins à cette fois je puis vous être utile,b

Au moins à cette fois me paraît prosaïque; d'ailleurs, il serait plus correct de dire : Au moins cette fois je puis vous être utile, mais le vers ne s'y trouverait pas; cela est très-aisé à changer. Quant au second vers, il est très-beau :

Oui, glorieux martyr de Rome et de ses lois.b

Mais le mot de martyr ne fut jamais connu de Caton; c'est un terme né dans les persécutions que souffrirent les chrétiens. On peut bien s'en servir aujourd'hui, parce que l'usage l'a établi;


a Probablement le 14, le 15 ou le 16.

b Voyez t. XII, p. 238 et 243.