<218>et funeste guerre tend à sa fin. Cela relève un peu mes espérances, et me donne au moins une gaieté passagère; c'est autant de gagné sur l'ennemi. Je m'occupe ici à charger ma mémoire pour décharger mon âne, et alléger le fardeau littéraire dont il a l'honneur d'être le dépositaire. Je suis sur le point d'achever le de Thou;a ce livre est très-bien écrit, et j'en suis très-content.

Le critique de Voltaire a, ce me semble, assez bien rencontré; il est cependant trop sévère. Quoi qu'on dise, si l'Histoire de Voltaire n'est pas instructive, elle est au moins jolie; c'est une gentillesse, une miniature faite par un Corrége, et certes personne de nous ne voudrait que cet ouvrage fût supprimé. Je compte dans peu de vous donner encore quelques bonnes nouvelles de notre expédition du Voigtland, dont j'attends à tout moment les rapports. Adieu, mon cher marquis; dormez en repos, rien ne troublera votre sécurité de quelques semaines, et alors comme alors. Je vous embrasse; adieu.

166. DU MARQUIS D'ARGENS.

Septembre 1760 (avril 1761).



Sire,

On ne saurait être plus joyeux que je ne l'ai été à la réception des deux dernières lettres que V. M. m'a fait la grâce de m'écrire. Je commence enfin à concevoir une véritable espérance de vous revoir tranquille à Potsdam et à Sans-Souci, jouissant en paix des superbes embellissements que vous y avez faits. Je ne saurais comprendre que les Français, pouvant faire autant de mal au prince Ferdinand, aient pris le parti de se retirer, de lui donner le temps de se rétablir et de se fortifier dans un bon poste, s'ils ne regardaient pas la paix comme prochaine. D'ailleurs, l'inaction


a Histoire universelle de Jacques-Auguste de Thou, depuis 1543 jusqu'en 1607, traduite sur l'édition latine de Londres. Londres (Paris), 1734, seize volumes in-4. Le seizième volume ne renferme que la Table de matières.