<216>de leur ambition. La conduite du pape dans cette affaire est inconcevable; il faut qu'il soit un imbécile, et son cardinal secrétaire un scélérat à rouer vif. Mais que nous font ces gens à présent?

Je suis plus en peine de Cassel ou de mes détachements que de tous les jésuites de l'univers. J'ai sans cesse devant les yeux la difficile tâche que j'ai à remplir. Je n'ai qu'un grand fonds de bonne volonté et un attachement inviolable à l'État; voilà toutes mes armes. Enfin je me précipite, les yeux fermés, dans une mer agitée de divers vents, et sans savoir où j'aborderai. C'est là le vrai fond de ce qui me regarde et de ce que j'augure pour l'avenir. Je tâche d'affecter de la tranquillité; cependant jugez vous-même si la philosophie peut donner cette impassibilité parfaite à un homme né avec des passions vives.

Adieu, mon cher marquis; écrivez-moi souvent. Faites mes compliments à la bonne Babet, et soyez persuadé de l'estime que je vous conserverai toute ma vie.

164. DU MARQUIS D'ARGENS.

Berlin, 28 mars 1761.



Sire,

Je prends la liberté d'envoyer à Votre Majesté la Lettre sur Voltaire dont j'ai eu l'honneur de lui parler dans ma dernière lettre : on m'avait repris l'exemplaire qu'on m'avait prêté, et je n'ai pu en avoir un chez les libraires qu'aujourd'hui.

On débite ici des nouvelles fâcheuses sur un échec que doit avoir eu l'armée du prince Ferdinand; mais j'espère qu'il n'y aura pas la moitié du mal que l'on dit. Si Cassel n'était pas pris, cela serait bien fâcheux. Pour réparer ces mauvaises nouvelles, on a la relation, à Berlin, de l'avantage remporté par le général Sybourg sur l'armée de l'Empire;a cela console un peu de l'échec des alliés.


a A Langensalza, le 15 février. Voyez t. V, p. 115.