<108>envoyer, l'été passé, une flotte dans la Baltique de quinze vaisseaux, nous aurions actuellement la paix, et, s'ils veulent l'envoyer au commencement du printemps, nous verrons bientôt la fin de la guerre. Le prétexte qu'ils ont pris de leur commerce avec la Russie est ridicule, car les Russes n'auraient osé rompre avec eux; d'où auraient-ils tiré l'or et l'argent que leur fournissent les Anglais pour leur monnaie? Et si les Russes avaient voulu faire les méchants, pas un seul vaisseau n'eût pu arriver à Pétersbourg. J'ai beaucoup de respect pour le roi d'Angleterre; mais il ne fait pas usage des notions les plus communes, s'il ne sent pas que son électorat serait détruit et ruiné de fond en comble, et cela, dans moins de six semaines, si vous veniez malheureusement à succomber sous vos ennemis. J'ai, etc.

91. AU MARQUIS D'ARGENS.

Wilsdruf, 28 novembre 1759.

Les marmites et les cuillers des Français me paraissent de plaisantes ressources pour faire la guerre. C'est une momerie pour faire illusion au public. Je suis persuadé que l'objet en sera mince; mais, comme les lettres imprimées du maréchal de Belle-Isle crient misère, ils ont voulu en imposer à leurs ennemis, et leur persuader que l'argent ciselé et godronné du royaume leur serait suffisant pour pousser, l'année qui vient, une campagne vigoureuse. Il n'y a certainement que cet objet-là qui leur ait fait imaginer la comédie qu'ils jouent.

Voilà Munster pris par les Hanovriens, et l'on assure que, le 25, les Français sont partis de Giessen pour marcher sur Friedberg et repasser le Rhin. Nous autres, nous sommes ici vis-à-vis de l'ennemi, cantonnés dans les villages; la dernière botte de paille et le dernier morceau de pain décideront de celui de nous deux qui restera en Saxe; et, comme les Autrichiens sont extrêmement resserrés, et ne peuvent rien tirer de la Bohême, je me