<31>partirai d'ici qu'après avoir bien consolidé mon ouvrage. Cela fini, et la paix venue, je me rendrai aux arts, et Berlin aux plaisirs. Pour vous, papillon inconstant et volage, je ne sais ce que vous deviendrez. Emporté par le feu de votre imagination, peut-être irez-vous griller sous le brasier de l'équateur; peut-être irez-vous avec Maupertuis grelotter en Islande. Que m'importe quel climat vous habiterez, dès que ce n'est pas le mien?

Adieu; ne demandez rien d'une tête dont les traits d'imagination ne consistent qu'en paille hachée, en foin et en farine. Je donne ce métier à tous les diables, et je le fais cependant volontiers. Voilà à quoi l'on peut connaître les contradictions de l'esprit humain. Adieu encore une lois, aimable, mais trop léger Algarotti; ne m'oubliez pas dans les glaçons de la Moravie; et, de l'Opéra de Dresde, envoyez-moi, s'il se peut, par le souffle de Zéphire, quelques bouffées des roulements de la Faustine.a

Federic.

Mes compliments à ce jésuite qui ferait un homme aimable, s'il n'était point ecclésiastique, et qui a assez de mérite pour être païen comme nous.

24. DU COMTE ALGAROTTI.

Dresde, 9 février 1742.



Sire,

Si je ne savais pas combien d'âmes il y a dans le corps de Votre Majesté, je serais étonné de tout ce qu'elle peut faire à la fois. Quoi donc! dans le temps que V. M. va faire la plus importante marche qu'on ait peut-être faite depuis Pharsale et Philippes; dans le temps qu'elle court sauver l'Empire, l'Empereur, la France


a Cette célèbre cantatrice avait épousé à Venise le compositeur Hasse, en 1730.