6. AU MÊME.

Remusberg, 24 novembre 1738.



Mon cher comte,

Je viens de recevoir la lettre que vous me faites le plaisir de m'écrire, et pour satisfaire à mon engagement, je vous envoie une symphonie de ma composition. Je crains qu'on ne l'exécutera pas trop bien, car il faut de bons violons pour s'en acquitter. Vous pourrez cependant déchiffrer mes idées indépendamment de l'exécution.

Plus j'apprends à vous connaître, et plus je suis mortifié de n'avoir pas le plaisir de jouir de votre conversation. Parmi les <209>hommes qui pensent, la classe de ceux qui pensent juste est très-rare; c'est la fleur de l'humanité et le chef-d'œuvre du Créateur. Ces sortes de gens ont un prix infini pour moi; je préférerais une société composée de pareils sujets aux plaisirs les plus bruyants et les plus estimés du monde.

Vous ne devriez pas, en vérité, me priver du plaisir de vous posséder le printemps prochain; j'espère que les arrangements de vos seigneurs et maîtres ne se trouveront pas directement opposés à mes petits agréments. Il n'y a que votre intérêt seul qui me fera endurer les raisons de votre absence, et j'espère que vous envisagerez ma patience sur ce sujet comme un sacrifice que l'empressement de vous voir fait à l'amitié que j'ai pour vous.

Je suis toujours inviolablement et avec une très-parfaite estime,



Mon cher comte,

Votre très-fidèlement affectionné ami,
Federic.