<319>Mon Dieu, qu'on a peur d'être oublié quand on est si loin! Grand prince, vous qui ressemblez si peu au vulgaire de ceux qui portent ce nom, n'allez pas leur ressembler par cet endroit. Mais que dis-je? oh! pardon; la crainte trouble mes sens, et me fait oublier que je parle à la constance même. Agréez, monseigneur, les assurances du plus respectueux attachement et de la plus tendre vénération qui fut jamais, etc.

48. A M. DE SUHM. (No 4.)



Mon cher Diaphane,

J'ai bien cru que cet air raréfié de Russie serait pernicieux à votre santé. Vous en éprouvez les effets; Dieu veuille qu'ils ne passent pas les bornes des fluxions! Malgré vos incommodités, vous pensez à moi, vous travaillez à m'obliger; vous voulez absolument être l'homme le plus aimable, et qui en même temps m'est le plus utile.

Il y a un double plaisir à être reconnaissant quand nous devons notre gratitude à des personnes qui, sans nous obliger, ont déjà enlevé toute notre estime, et qui ne font, en nous servant, qu'avérer la bonne opinion que nous avions déjà de leur personne. Je suis dans ce cas, vous m'y mettez, mon cher Diaphane; c'est à vous de satisfaire aussi généreusement aux devoirs de l'amitié que vous vous l'êtes proposé, en attendant qu'un jour je remplisse à mon tour et les devoirs de l'amitié, et ceux de la reconnaissance.

Puisque vous voulez bien être mon commissionnaire en Russie, ayez la bonté de me faire avoir l'édition nouvelle de la Vie du prince Eugène qu'on imprime là-bas; ce sera plus court, l'arrangement de l'envoi sera plus aisé, l'accord avec le libraire, plus sûr, et j'y trouverai beaucoup mieux mon compte qu'avec ces libraires de Vienne, qui impriment lentement, qui ne font point crédit à ceux qui souscrivent, et qui, en un mot, ne me conviennent point.