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10. AU MÊME.

Berlin, 7 janvier 1736.



Mon cher Camas,

J'ai été charmé de la manière obligeante dont vous êtes entré dans mes chagrins, et quoique j'avoue que cela ne m'ait pu consoler tout à fait, du moins m'avez-vous soulagé par tout ce que vous me dites. Ma colique va mieux; mais pour ce qui regarde mon chagrin, je ne sens aucune diminution. Je me parle, je raisonne, je moralise; mais je sens que le tempérament a encore jusqu'à présent le dessus sur la raison. Enfin, cher Camas, c'est une rude école que celle de l'adversité; j'y suis, pour ainsi dire, né et élevé; cela détache beaucoup du monde, cela fait voir la vanité des objets qu'il nous présente, leur peu de solidité, et les vicissitudes que les révolutions du temps entraînent après elles. Pour une personne de mon âge, ce sont des réflexions peu agréables; la chair y répugne. Le tempérament qui me porte naturellement à la joie est comme un membre démis qui voudrait en vain faire ses fonctions ordinaires. J'aime mieux me réserver à vous écrire que j'aie rétabli la tranquillité et le calme dans mes sens agités, en vous entretenant de matières moins tristes et moins désagréables.

Adieu, mon cher Camas; conservez-moi votre amitié, dont je fais beaucoup de cas, et soyez persuadé que la mienne ne diminuera jamais.

Frederic.

11. AU MÊME.

Ruppin, 17 mars 1736.



Mon cher Camas,

L'attention que vous me témoignez en vous informant de l'état de ma santé ne peut que m'être très-agréable, sachant le motif qui vous y porte, et connaissant toute l'étendue et le prix de