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5. AU MÊME.

Ruppin, 1er décembre 1734.



Mon cher Camas,

Ayant un soin infini de tout ce qui vous regarde, j'ai voulu vous en donner une preuve, témoin la recrue que j'envoie à votre compagnie. C'est, sans mentir, le plus grand vaurien qu'il y ait dans toute l'armée de France. Il y a été officier; ayant déserté par légèreté, il est venu à notre armée au Rhin; ne sachant où donner de la tête, il s'est engagé chez moi. Je mets à votre disposition d'en faire ce que vous voudrez. Je crois avoir fait une œuvre de charité de remettre cet écervelé entre les mains d'un homme raisonnable qui peut-être pourra avoir le bonheur de le ramener à la raison. Adieu, mon cher; je suis toujours tout à vous.

Frederic.

6. AU MÊME.

Ruppin, 6 juillet 1735.



Mon cher Camas,

Les grâces du Roi et ma promotion a ne m'ont point causé une aussi sensible joie que votre lettre, étant plus sensible aux amitiés de mes amis qu'aux grandeurs de ce monde. Si par ma nouvelle charge je me voyais à portée de vous rendre service, je croirais que le service du Roi et ma propre inclination m'y porteraient. Mais, général-major tout nouveau sevré, il ne me conviendrait pas encore de me donner des airs de protection. Attendez donc, mon cher, qu'en cette campagne je verse assez de sang français pour m'acquérir le crédit de pouvoir parler avec vous. Mais je crains qu'au lieu d'être fort sanguinaire, mes travaux se borneront à vous faire avoir quelques Français qui embelliront votre com-


a Frédéric avait été élevé au grade de général-major le 29 juin 1735. Voyez ci-dessus, p. 52.