<89>Beaucoup de raisons nous ont dispensés de ménager le roi de Prusse; une des plus considérables est sans doute qu'il convient à la dignité impériale de donner des marques de sa supériorité, et qu'en traitant durement le plus puissant prince de l'Allemagne, nous atterrons tous les autres par la crainte que cette conduite leur inspire. Le roi de Prusse est non seulement un ennemi dangereux pour la maison d'Autriche, mais il est encore en Allemagne un concurrent redoutable; de sorte que tous ceux qui sont fidèles sujets de notre incomparable impératrice doivent sacrifier jusqu'à la dernière goutte de leur sang pour contribuer autant qu'il est en eux à la ruine de sa puissance. Depuis la dernière paix, tous nos soins, toutes nos mesures, en un mot, tout notre système n'a eu d'autre but que de recouvrer la Silésie. Ce pays nous arrondirait, il nous fournirait des troupes, de l'argent et des places pour bien des seigneurs que l'Impératrice ne trouve pas le moyen de contenter à présent. Notre dessein n'a jamais été de nous en tenir à la conquête de la Silésie, mais d'écraser entièrement le roi de Prusse, afin que la cour impériale, ne trouvant en Allemagne aucune puissance capable de l'arrêter, y pût établir une solide domination. Tous les princes ecclésiastiques sont nos créatures; les séculiers seraient obligés d'en venir là également, et pour faire exécuter les ordres de l'Empereur, l'envoi d'un commissaire suffirait, de sorte que nous travaillerions sur les roses. La cause de la communion d'Augsbourg y perdrait d'autant plus, que le roi de Prusse en est l'unique soutien; mais comme cette secte va en dépérissant, elle ne mérite pas que nous y fassions grande attention. Je dois cependant vous avouer que la religion protestante nous a mieux servis que la catholique. Nous avons parlé à Rome de détruire cette hérésie, on a montré cette perspective à tous les ecclésiastiques; ce projet seul nous a valu un Pérou. Vous savez qu'il nous arrive quelquefois de manquer d'argent; mais le protestantisme a été une ressource plus féconde pour nous que celle que l'empereur Charles VI trouva dans la banque de Vienne.

Notre cour a travaillé cinquante ans à l'abaissement de la maison de Bavière; vous voyez qu'à la fin elle y est parvenue. Dussions-nous entreprendre un ouvrage plus long et plus pénible