<72>Le berceau des beaux-arts, la florissante Grèce,
Cette première école où germa la sagesse,
Qui, marchant à tâtons, cherchait la vérité,
Nourrissait dans son sein l'auguste liberté.
D'elle les orateurs et les héros naquirent,
Sous son puissant abri les sages s'instruisirent;
On estima l'esprit, tout Grec osa penser,
Et dans la vérité chacun voulut puiser.
L'empire et cet esprit, passant d'Athène à Rome.
Aux Latins policés fournit plus d'un grand homme :
Un Cicéron parut,a l'appui des innocents,
Lançant sur l'oppresseur ses foudres éloquents,
Cicéron, qui, foulant les erreurs à Tuscule,
Doutait, examinait, et jugeait sans scrupule;
L'inflexible Caton, maître de son poignard,
Ce stoïque ennemi du généreux César;
Et vous, puissant génie, arbitre du Permesse,
Vainqueur des préjugés, vous, immortel Lucrèce,
A qui la vérité confia son flambeau,
Qui, du zèle sacré déchirant le bandeau,
Vîtes dessous vos pieds l'erreur difforme et louche
Pâlir, s'enveloppant de son ombre farouche :
Vous deviez vos succès, ô mânes généreux!
A cette liberté que n'ont plus vos neveux.
A présent, Rome, esclave et rampant sous ses maîtres,
De la main des Césars a passé jusqu'aux prêtres;
Un pontife insolent, fier ou voluptueux
Régit, du Vatican, les intérêts des deux,
D'anathèmes sacrés fait gronder le tonnerre,
Et confond dans ses droits le ciel avec la terre.
On voit à ses côtés la folle ambition,
L'artifice, l'erreur, la superstition,
L'intérêt tout-puissant, l'avarice rusée
Ordonner de la foi de la terre abusée,
Et l'inquisition, barbare tribunal,
Leur fournir au besoin son secours infernal.


a Voyez t. VII, p. 70 et 128; t. VIII, p. 152, 156 et 304; et t. IX, p. 205.